Y O U A N D M E I S M O R E T H A N T H E L O N E L Y D A Y SIsolée.
Au milieu de la foule, tu te sens plus à l'écart que jamais - pas un regard vers toi, pas un sourire ni un coup d'épaule ; aucune mirettes qui baladent sur ta silhouette avec curiosité ou admiration mais oh tu serais même prête à accepter le dégoût du moment qu'un seul œil ne se posait sur ton surplus de banalité, cette norme trop collante qui glisse de tes lèvres et ton corps pour mieux se diffuser dans le hall environnant. Tu croises ton regard dans une des vitres du centre commercial - terne, fade, sans saveur ni couleur ; tes cheveux bruns si longs retenus par tes habituelles barrettes, un pull trop ample qui couvre tes plaies, un short et un leggins opaque - rien de bien extravagant, rien de surprenant, rien que l'ordinaire.
Toujours l'ordinaire.
Et rien ne se détache de toi si ce n'est cette banalité - pourtant tu hurles, tu pleures, tu cris, tu meurs ; mais rien ne s'entend, rien ne se voit, pas d'écho, pas de voix, douloureuse agonie muette. Et la foule autour de toi t'oppresse par sa marche, t'étouffe par sa masse et t'écrase sans se soucier de ton existence - oh que tu souffres d'être venue, que tu regrettes.
Tu les hais. Chaque être présent, chaque existence intéressée - et pourtant si détournée de la tienne, chaque être qui t'assassine sans même s'en rendre compte ou s'en soucier, tu voudrais être aimée et appréciée tu voudrais disparaître et soupirer pour la dernière fois.
Tu veux.
Tu veux.
Tu as besoin.
Tu sens le grattement, les démangeaisons sur tes bras, tes jambes et ton ventre, chaque partie maculée de ta douleur et tu sens les battements de ton cœur qui ralentissent pour mieux s'envoler, tes pieds vacillant et tu marches pourtant droite mais légèrement souple comme une adolescente normale à la relâche - mais intérieurement tu cours tu fuis tu chasses tu t'exiles et tu t'enterres et tu ne peux attendre - tu te sens mal oh si mal tu ne peux plus attendre, tu te sens vide vide vide si monotone et stoïque, peinture sans vie qui ne mérite pas d'exister
tu n'en as pas le droit.
Tu respires en fermant la porte derrière toi, regardant le WC en face de toi sans grand intérêt. Tu fermes la lunette, t'asseyant dessus et tu ouvres ton sac, y plongeant tes doigts pour en récupérer des ciseaux dans une trousse rien d'anormale pour une fille de ton âge qui semble sortir de cours. Tu respires avec amertume et apaisement l'odeur du fer et salive d'avance de le sentir glisser sur ton épiderme - ce que tu t'empresses de faire ; et tu regardes le carmin repeindre ton monde avec aisance, un soupire passant ta main mais hélas comme toujours oh nirvana - que dis-je, olympe que tu es tu devrais savoir arrêter ta faim mais tu es insatiable et te voilà regarde, les bras décorés comme une nouvelle esquisse
tu ne sais plus t'arrêter.
Tu devrais pour ton bien - bien ? quel bien ? risible, c'est tout ce qui se glisse sur tes lèvres alors que la seule faim que tu combles et celle de ta fin, et tu attends, yeux clos, tu attends peut-être un peu trop puisque quand tu te redresses pour attraper un morceau de tissus et essuyer ta robe écarlate, tu t'écroules aussi sec, jambes et corps tremblants alors que des points dansent devant tes pupilles, si ensorcelants dans ce monde trop cruel. Et tout aurait été si parfait comme spectacle oh oui terriblement parfait
si tu n'avais pas oublié de verrouiller.
© Y A M